dimanche 8 juin 2014

Lu dans la Presse - Henri Proglio, P-DG d'EDF, soupçonné de "trafic d'influence"

Le Point.fr - Publié le 08/06/2014 à 11:07 - Modifié le 08/06/2014 à 16:17

L'office anti-corruption, créé à la suite de l'affaire Cahuzac, vient d'hériter d'un nouveau dossier sensible.

Le P-DG d'EDF, Henri Proglio, est visé par une enquête pour "trafic d'influence". Il est soupçonné d'avoir "sponsorisé" son épouse, l'humoriste Rachida Khalil, avec l'argent de son groupe.

L'été dernier, plusieurs banques avaient signalé à Tracfin, le service spécialisé dans la lutte contre le blanchiment, d'étranges mouvements sur les comptes de Mme Proglio. 

Après quasiment un an d'enquête, la cellule de renseignement de Bercy a saisi le parquet de Paris, lequel aurait, d'après nos informations, ouvert une enquête préliminaire il y a quelques semaines. L'Office central de lutte contre la corruption cherche désormais à éclaircir des flux financiers qui mènent jusqu'au Liban, avec des détours par le Luxembourg et la Suisse.

Un étonnant circuit d'argent

Officiellement, Rachida Khalil touche un salaire de 1 800 euros versé par l'une des sociétés de spectacle qu'elle a créées. Mais, d'après les comptes qu'elle possède dans trois établissements bancaires parisiens, les finances de la comédienne sont plus prospères. En un an, la jeune femme a perçu près de 1,8 million d'euros, dont environ 100 000 euros en liquide. Certaines de ces rentrées d'argent laissent les enquêteurs perplexes, tel ce chèque de 20 000 euros signé d'Atlantis Consulting, un prestataire d'EDF.

Cette PME, qui, la même année, a également effectué un autre versement de 5 000 euros à l'humoriste, se présente comme un acteur du secteur pétrolier et gazier mais intervient en réalité dans le domaine de l'intelligence économique. L'un de ses cofondateurs se trouve être un spécialiste du renseignement ayant précédemment exercé au sein d'une officine impliquée dans l'affaire d'espionnage des salariés d'Ikea.

L'enquête financière a mis en évidence un étonnant circuit d'argent : d'un côté, Atlantis rémunère la compagne du patron d'EDF, de l'autre, elle signe un contrat de 131 000 euros avec l'entreprise publique.

La gérante de la PME, Nadia Boulkessof, a également puisé 10 000 euros dans sa cassette personnelle pour "aider" Rachida Khalil. Interrogée à ce sujet par Le Point en juillet dernier, l'humoriste avait expliqué : "Il s'agit d'un contrat de sponsoring de la part d'une amie que je connais depuis vingt ans." Là où Rachida Khalil voit une simple opération de mécénat, la justice soupçonne, elle, un trafic d'influence de la part de son mari.

Henri Proglio a-t-il donné consigne pour que sa compagne profite, indirectement, des subsides d'EDF ? 

D'après les éléments d'enquête dont dispose le procureur de Paris, Sweet Dreams Prod, la boîte de production créée par Rachida Khalil, a été financée par la Fondation EDF. Ainsi que par AH ! Production, une société d'audiovisuel elle-même abondée par l'électricien. Sweet Dreams Prod aurait ensuite approvisionné le compte personnel de la comédienne à hauteur de 150 000 euros. 

Des proches de l'humoriste ont beau expliquer que l'argent de la fondation était destiné à une association pour les enfants de son village au Maroc, les enquêteurs s'interrogent, eux, sur un possible abus de bien social.

Sommes provenant de Suisse et compte au Luxembourg

Certains des montages mis à jour les intriguent. Ainsi, une partie des sommes arrive de Suisse, via LF Finance, une société genevoise elle-même filiale à 99 % d'une banque libano-française domiciliée à Beyrouth. 

Un compte au Luxembourg a également été utilisé. C'est par ce circuit que la société Madelon
appartenant à Maxime Laurent, un discret homme d'affaires parisien, a versé 55 000 euros à la comédienne. Cet expert de l'optimisation fiscale, en délicatesse avec Bercy, a fait fortune dans le rachat et la vente à la découpe d'entreprises en difficulté. Pourquoi cette générosité de la part d'un businessman qu'il y a un an Rachida Khalil disait ne pas connaître ?

Les enquêteurs s'intéressent au rôle joué par ce même Maxime Laurent au moment de l'entrée des Qatariens chez Veolia, l'entreprise qu'a longtemps dirigée Henri Proglio. En février 2010, Maxime Laurent rachète Velo Investissement, une SARL luxembourgeoise dotée d'un capital de 12 500 euros seulement, qu'il revend un mois plus tard à Qatari Diar, le fonds immobilier de l'émirat. 

Peu de temps après, Velo Investissement annonce à la surprise générale avoir acquis 5 % de Veolia pour 500 millions d'euros. Une opération menée alors qu'Henri Proglio cumulait les fonctions de patron d'EDF et de président de Veolia.

Contacté par Le Point, Henri Proglio assure ne pas être au courant de l'enquête en cours. Quant à Rachida Khalil, elle n'a, pour l'instant, pas souhaité s'exprimer.

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