dimanche 21 février 2016

Lu dans la Presse - L'EXPRESS ENTREPRISES : La loi El Khomri plaît bien aux patrons mais suscite l'ire des syndicats

Le projet de réforme du code du travail porté par Myriam El Khomri suscite de vives réactions dans les rangs des syndicats. La CGT appelle à une "réaction unitaire du monde du travail" contre "une liberté totale" donnée au patronat.Côté pile: des patrons satisfaits mais qui affirment qu'ils restent vigilants. Côté face: des syndicats inquiets qui dénoncent un recul des droits des salariés. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le projet de loi de réforme du code du travail divise.

C'est peu dire que le projet de loi El Khomri suscite la colère des syndicats. Les pistes de réforme du code du travail tracées par le gouvernement Valls sont vues d'un très mauvais oeil par les représentants des salariés.  
Jean-Claude Mailly, le responsable de FO n'a pas tardé à réagir après la publication du projet de texte. En un tweet, dès le 17 février, il a promis des débats animés pour la ministre du Travail et le gouvernement tout entier.  
Myriam El Khomri a beau affirmer que sa loi préserve les droits des salariés, les syndicats ne l'entendent pas de cette oreille. "Cette loi réduit les droits des salariés, s'emporte Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale à Force Ouvrière (FO). C'est un texte de protection et de sécurisation des entreprises."  
Entre la question du temps de travail, "qui va s'accroitre pour les salariés" et celle du forfait jours, qualifié par FO de "point clivant", les mesures contenues dans le texte ne passent pas. 

Une manifestation pour contester ce texte?

Le syndicat conteste également la perspective du référendumd'entreprise qui viendrait changer la donne concernant les futurs accords d'entreprise. Il pourra en effet contourner un blocage syndical. "Des organisations qui représentent 30% pourront demander l'aval des salariés par référendum, précise Marie-Alice Medeuf-Andrieu. Mais que se passera-t-il si les 70% restant ne sont pas d'accord ? Pour nous, cela va fragiliser le dialogue social." 
Jean-Claude Mailly affirme avoir d'ores et déjà pris langue avec certaines autres centrales afin d'envisager des réponses et une éventuelle riposte. "On ne s'interdit rien", confirme Marie-Alice Medeuf-Andrieu. 

Plus de flexibilité, moins de sécurité?

Pour FO, la contestation pourrait prendre la forme d'une manifestation au moment des discussions au Parlement. Ce vendredi matin, la CGT lui emboîte le pas, en appelant à une "réaction unitaire du monde du travail" contre "une liberté totale" donnée au patronat. Selon le syndicat, le projet de loi défendu par la ministre du Travail Myriam El Khomri "constituerait s'il était adopté un recul historique des droits pour les salariés". "53 articles, 7 titres, 131 pages où tout y passe, où tout est cassé", dit-elle. 
"A la protection des salariés c'est désormais la prise en compte des intérêts financiers du patronat et des actionnaires qui sera privilégiée", affirme la CGT, en dénonçant les 35 heures "rendues obsolètes", "la mise en oeuvre du référendum-chantage", "le plafonnement des indemnités prud'homales". 
"La future réforme du droit du travail instaure de fait la course au moins disant social pour les entreprises et un salariat low cost. Elle est sous-tendue par l'idée que les protections sociales accordées aux salariés seraient la cause du chômage", accuse la confédération de Philippe Martinez. 
"Ce texte, c'est en avant toute pour les marges des entreprises et en arrière toute pour les droits des salariés car entre le plafonnement des indemnités aux prud'hommes, l'élargissement de la définition du licenciement économique, l'extension du forfait jour ou le temps de travail, il y a une vraie régression", tempête Fabrice Angei, secrétaire confédéral. 
Un avis que Carole Couvert, à la tête de la CFE-CGC partage. "Je reçois ce texte avec beaucoup d'inquiétude car les promesses de François Hollande d'offrir plus de flexibilité à l'entreprise et plus de sécurité au salarié ne sont tenues que dans un sens. Je ne trouve absolument rien qui va dans le sens du salarié", pointe la responsable du syndicat des cadres.  
Les déclarations de Myriam El Khomri concernant un éventuel recours au 49.3 ne sont pas de nature à apaiser ses craintes. "Nous pensions qu'un travail de dialogue se ferait avec les parlementaires au cours des débats. Mais si le gouvernement brandit cet argument de passage en force en nous disant "Circulez, y a rien à voir!", c'est absolument contreproductif." 

Une réforme "dangereuse"

Même la CFDT pointe une réforme "dangereuse" du licenciement économique. Si le texte passe en l'état, "un groupe pourrait alors très bien s'organiser pour que sa filiale française ait de moins bons résultats pendant un moment - même si le reste du groupe fonctionne bien en Europe - et organiser un plan social dans la filière française. C'est une bêtise qui va fragiliser les salariés français", s'offusque Véronique Descacq, la secrétaire générale adjointe de la CFDT dans un communiqué. Le syndicat espère une "concertation ouverte" afin de pouvoir faire bouger les lignes.  
Seule la CFTC se montre moins véhémente. "Il y a quelques points qui suscitent des interrogations, admet Philippe Louis, son président. Je pense par exemple aux licenciements économiques, qui laisse le champ ouvert aux entreprises d'y avoir recours plus que de raison." 
Pour le syndicaliste, les principes de la loi El Khomri ne sont pas intrinsèquement bons ou mauvais mais laissent le champ libre à des utilisations contestables. "Prenez le forfait jours, par exemple, s'il est bien saisi par les start-up, il permettra à certains salariés d'obtenir des avancées mais si d'autre entreprises plus grandes s'en saisissent comme un outil de dumping social, ce sera plus inquiétant". Concernant le projet de référendum, Philippe Louis n'y repère pas une volonté d'affaiblir les syndicats. "Le référendum sera à l'initiative des syndicats qui représentent plus de 30% donc il n'y a pas de problème à mon sens."  

"Le diable se cache dans les détails"

Nombre de leurs demandes figurant dans le texte, les représentants patronaux accueillent ces futures mesures avec nettement plus d'enthousiasme. Le projet de loi "va dans la bonne direction", a soutenu Le Medef. 
Pour Thibault Lanxade, vice-président de l'organisation patronale, plusieurs mesures sont "intéressantes" pour les entreprises. "La volonté de travailler sur le licenciement économique et sur lesbarèmes d'indemnités aux prud'hommes sont deux bons signes de la mise en place d'une forme de flexi-sécurité qui répond aux attentes et inquiétudes des chefs d'entreprise."  
Selon lui, l'enjeu se situe désormais dans le travail parlementaire. "En droit social, on sait que le diable se cache souvent dans les détails et il va falloir suivre les débats à venir de très près et s'assurer que le référendum d'entreprise ne devienne pas une arme qui se retourne contre les entreprises. Car fondamentalement, son but est de faire voter et avancer les choses."  
La CGPME estime elle aussi que projet de loi va "dans le bon sens" même s'il ne va pas assez loin pour les TPE et PME. "On retrouve dans le texte des choses que nous demandions, notamment pour sécuriser la rupture du contrat de travail", a souligné François Asselin à l'AFP. évoquant notamment le nouveau cadre du licenciement économique, qui permettra "d'éviter les appréciations différentes d'une juridiction à une autre". 
"Ce que l'on aimerait, si l'on parle de démocratie sociale, c'est qu'on puisse élargir le champ du référendum au niveau des PME et des TPE", a-t-il souligné. 
Même chose concernant les règles d'assouplissement des 35 heures. Aux yeux de François Asselin, le projet actuel pourrait également créer de l'inéquité entre grandes et petites entreprises. "Si cet assouplissement ne peut être obtenu que par accord d'entreprise avec un syndicat, ça va être compliqué. On va se retrouver dans la situation absurde où la grande entreprise aurait les moyens d'organiser son temps de travail, quand la petite entreprise serait contrainte d'appliquer directement le droit", a-t-il regretté. 
Les débats s'annoncent animés...
Le projet de réforme du code du travail porté par Myriam El Khomri suscite de vives réactions dans les rangs des syndicats. La CGT appelle à une "réaction unitaire du monde du travail" contre "une liberté totale" donnée au patronat.




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